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L’Ardèche

Extraits du journal de Pierre Lepareur
(Le Dernier Acte)

L’Ardèche, c’est un petit coin de paradis dans le sud de l’Ancienne France. Nous vivions avec mes parents sur un plateau qui surplombait une vallée. Il y faisait vraiment bon vivre. Au printemps, ma saison préférée, il faisait doux, parfois même chaud, comme si l’été s’invitait avant l’heure. La faune et la flore s’éveillaient, la nature s’emplissait alors d’odeurs agréables et de bruits étranges. Le mieux c’était au crépuscule. Les coucous qui répondaient aux hiboux – comme dans une célèbre comptine que vous connaissez peut-être – pouvaient nous livrer parfois un vrai récital. Je me souviens aussi du chant des cigales qui cessait soudainement au coucher du soleil, c’était quelque chose ! Quelques abeilles laborieuses butinaient encore, profitant des dernières lueurs du jour, avant de rentrer chez elles pour préparer un miel à vous exciter les papilles ! Ahhh, y’a pas à dire, c’était la belle vie.
J’avais deux amis à cette époque : Sami et Benji. Sami, le ténébreux, le mystérieux. Benji, le joyeux luron, l’intrépide. Moi j’étais le sage, le réfléchi. Nous étions inséparables.
On était tout le temps dehors, sur nos vélos, à sillonner le plateau. Au milieu des oliviers, des cerisiers et des chênes verts, entre les murets de calcaire millénaires, nous bâtissions des cabanes. Là, nous jouions aux aventuriers avec nos épées en bois et nos lance-pierres chargés de noyaux de cerises ! Parfois, on rêvait à ce qu’on ferait plus tard… l’insouciance de la jeunesse ! C’était l’âge des conneries aussi, et on en a fait de belles !

Le bois de Païolive

Extraits du journal de Pierre Lepareur
(dans Le Dernier Acte)

J’ai pris la direction du Bois de Païolive. Un bois magnifique, très prisé des touristes, un peu en hauteur, qui dominait les gorges du Chassezac. C’était à quelques kilomètres de chez moi et j’adorais y aller.

Je suis arrivé en fin de matinée. J’ai attaché mon vélo à l’entrée du sentier principal. Et je suis parti à l’aventure dans ce bois qui était du temps de la grande guerre un repaire de la résistance. Du haut de mes treize ans, je ne me lassais pas de m’imaginer soldat, bravant le danger et les ennemis imaginaires, courant sur les chemins escarpés, sautant d’un rocher à l’autre. Les rochers là-bas sont d’ailleurs bien étranges. Certains ont même des formes d’animaux. Je me souviens notamment d’un ours et d’un lion qui s’embrassaient, c’était impressionnant… Il y avait un singe accroupi aussi, et un éléphant ! Tout ce bestiaire de pierre était là depuis la nuit des temps… Je me sentais tellement petit. J’étais fasciné.

Cuba

Extraits du Dernier Acte

Puis nous sommes arrivés à La Havane.
C’était comme se réveiller d’un cauchemar. Nous étions soulagés mais encore groguis par ces jours difficiles.
Nous prîmes un taxi pour nous rendre chez le contact de Travis.
Les quartiers industriels de la zone portuaire cédèrent la place à de grandes avenues bordées de palmiers. Malgré la fin de l’embargo avec les Etat-unis, on y voyait encore circuler de vieilles Buick colorées des années cinquante, des Chevrolet, grosses comme des paquebots, ou encore des Ford toutes rouillées mais aux lignes emblématiques. De belles façades colorées typiques de la ville égayaient les beaux quartiers à l’ouest de la capitale. Nous étions dans la carte postale.

[…]

Nous marchions vers l’imposante demeure. Mes sens se réactivaient un à un. C’était comme si le stress de notre cavale les avait annihilés jusque là, me faisant évoluer dans un monde terne dépourvu de couleurs, sans odeurs. Mais là, tout changeait. Le crissement de nos pas dans le gravier se mêlait aux chants des oiseaux endémiques. Leurs chants semblaient parfaitement s’accorder au son d’une guitare sèche qui résonnait dans le lointain. Le vent portait ces notes à nos oreilles comme une musique de bienvenue. La brise tiède balayait nos cheveux comme on balaye les nuages et les idées noires. Mon regard était hâpé par le bleu du ciel, le vert des palmiers et le rose des bougainvilliers. Notre marche vers l’entrée nous fit traverser un magnifique espace paysagé. Les effluves aromatiques et les senteurs florales nous enveloppèrent. Je me souviens avoir entendu Camille humer l’air, lentement, profondément. Je la revois, là à mes côtés; je la voyais de profil, son petit nez en trompette qui montait et descendait au rythme de ses inspirations. Elle souriait…
Puis une odeur bien particulière est venu chatouiller mes narines. Je me suis tourné sur ma gauche et j’ai vu un vieux monsieur s’avancer vers nous. Il était grand et se tenait encore bien droit malgré son âge – bien plus droit que moi aujourd’hui ! Il avait la peau tannée comme du cuir. Ses cheveux et sa barbe étaient blancs comme du coton. Simplement vêtu d’une salopette de jardinage à carreaux et de claquettes en bois, il tenait un petit arrosoir à la main. Il avait de petits yeux enfoncés dans le crâne et un regard inquisiteur. Mais il souriait, serrant entre ses lèvres un mégot de cigarillo.
« Bienvenido amigos ! » clama-t-il en tendant la main.

 


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Auteur de fictions à Bourges
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